Gaspard Rigaud : histoire de couple

Une fois n'est pas coutume — et en ces temps où les productions du plus illustre des frères Rigaud continuent d'alimenter le marché de l'art — ce sont deux nouvelles œuvres jusqu'ici inédites de son cadet qui réapparaissent à Rome, chez Arcadia, le 22 mars prochain (lot 53). Bien qu'elle ne lui soit pas d'emblée donnée, et comme en témoigne pourtant la signature bien reconnaissable conservée au dos du portrait féminin, cette paire réalisée par « Rigaud le Jeune » en 1698 ayant appartenu à une certain « Mr. B. », s'avère pourtant tout à fait caractéristique de l'art parfois naïf mais non moins émouvant de Gaspard Rigaud.

Gaspard Rigaud, portrait d'un couple, 1698. Rome, collection particulière © d.r.

Exploitant à l'envie des postures empruntées à son aîné, l'artiste donne une fois de plus à ces modèles anonymes, cette bonhomie amusée que l'on avait remarquée dans d'autres toiles, de la paire récemment acquise par le musée de Perpignan à l'ambitieux portrait de la famille de Bouette de Blémur, pour ne citer qu'elles.

Gaspard Rigaud et Hyacinthe Rigaud, Portrait des enfants de Monsieur Bouette de Blémur, 1703 (détail). Collection particulière © Christie's Ltd

La posture de trois quart de l'homme, sans les mains, tout entier drapé dans son grand manteau rouge n'est pas sans rappeler en effet d'autres attitudes inventées par Hyacinthe, et pourtant communes à bien d'autres artistes à cette époque, vues chez Nicolas de Largillierre, Robert le Varc Tournières ou Jean Ranc encore. Pose commune, effets communs s'il en faut chez l'épousée, prise de face, habillée partiellement d'un grand drapé bleu fané qu'affectionnait visiblement Gaspard. Perles discrètes dans les cheveux, coiffure à la Fontange, buste de brocard très corseté achèvent une vêture très conventionnelle en cette fin de siècle encore sage.

Avec leur visages aux sourires un peu forcés, leurs yeux ronds mélancoliques, les portraits de Gaspard séduisent toujours malgré un dessin souvent scolaire. L'attention qu'il porte aux carnations, aux multiples reprises dans les boucles des cheveux, aux jeux d'ombres et de lumière crue sur les arêtes des plis des vêtements, prouve s'il en était besoin son application. Certes moins habile que son frère dans le rendu des dentelles, moins soigneux dans le réalisme des plis des étoffes, Gaspard semble avoir voulu séduire son public en réunissant tout à la fois les leçons figuratives de son maître à Montpellier, Antoine Ranc, et en tentant de suivre les pas de Hyacinthe qui lui témoigna sans cesse une indéfectible affection...