Anonyme d'après Hyacinthe Rigaud, portrait de famille, après 1706 © photo Vanderkindere Auctioneer

Anonyme d'après Hyacinthe Rigaud, portrait de famille, après 1706 © photo Vanderkindere Auctioneer

 

C'est par un amusant hasard qu'au retour d'une récente visite au musée Rigaud de Perpignan, l'on nous a signalé la remise en vente à Bruxelles, le 24 avril prochain (lot 161), d'une version revisitée d'un des joyaux du nouvel établissement Catalan : le portrait de la famille Le Juge.

 

Cette composition, elle même une copie autographe faite par Rigaud en 1706 du portrait de groupe représentant, en 1699, Jean Le Juge, huissier au conseil du roi et sa femme Elisabeth de Gouy accompagnés de leur fille, Marguerite-Charlotte, était devenue célèbre par l'histoire romancée qu'elle inspira au premier biographe de l'artiste, le professeur Georges Van Derveer Gallenkamp. L'américain, qui avait entamé son catalogue raisonné des œuvres du peintre, fut le premier à identifier ce qu'on pensait être « Rigaud et sa famille ». Car si la figure féminine principale était connue par la gravure qu'en firent Wille et Daullé en tant que future femme du peintre, l'homme demeurait un sombre inconnu, à la carrière administrative peu significative et sujette à toutes les conjectures.

 

Hyacinthe Rigaud, portrait de la famille Le Juge, 1706. Perpignan, musée Rigaud © photo Stéphan Perreau

Hyacinthe Rigaud, portrait de la famille Le Juge, 1706. Perpignan, musée Rigaud © photo Stéphan Perreau

 

Tantôt, « dilapideur » de fortune, tantôt marié effacé, Le Juge était séparé quant aux biens de son épouse depuis 1694, laquelle gérait dès lors son propre pécule qui se résumait notamment à un bail d'une propriété à Vaux achetée par Rigaud et qu'elle exploitait en son nom. La figure pincée de l'homme, à défaut d'être spirituelle, est remplacée à Bruxelles par celle d'un personnage plus bonhomme qui adoucit la rudesse de son épouse qui n'a que peu de point communs avec la douceur tout en rondeurs de la future madame Rigaud.

Elisabeth de Gouy n'avait certes pas non plus l'élégance ni le raffinement des « belles de jours » que le portraitiste fut amené parfois à représenter, mais elle semblait déjà attendrir par son léger embonpoint et mine amusée. 

Hyacinthe Rigaud, portrait de la famille Le Juge, 1699. Ottawa, musée du Canada © OMBAC

Hyacinthe Rigaud, portrait de la famille Le Juge, 1699. Ottawa, musée du Canada © OMBAC

 

Au prix d'ajustements nécessaires au travestissement de cette nouvelle famille, l'artiste anonyme qui singea Rigaud, fut relativement scrupuleux dans sa copie. Les tons sourds, plus proches de la version de Perpignan que de l'éclat de celle d'Ottawa, créent une atmosphère nordique peut-être un peu artificielle mais finalement de bon aloi. La jeune fille, à droite, désormais brune, n'a pas le port de tête un peu raide de Marguerite-Charlotte Le Juge du Coudray, cette future belle fille de l'artiste qui termina sa vie dans un château-pension éponyme reculé de Vendée non sans avoir réclamé avec force son héritage à la mort de sa mère contre ses tantes avides.

 

Elle n'en a pas non plus la coiffure, préférant arborer dans ses cheveux un ruban bleu qui vient se poser sur son épaule, faisant par conséquent disparaître la broche-bijou d'origine qui aurait dû y être recopiée.

Hyacinthe Rigaud, portrait de la famille Le Juge, 1706 (détail). Perpignan, musée Rigaud © photo Stéphan Perreau

Hyacinthe Rigaud, portrait de la famille Le Juge, 1706 (détail). Perpignan, musée Rigaud © photo Stéphan Perreau

 

Témoignage amusant, intéressant et curieux d'un portrait destiné à rester en famille, la version des Le Juge qui passera en vente prochainement, illustre dans tous les cas le goût qu'avait eut le Grand Siècle pour l'effigie de groupe, type de représentation prisé des Nocret, Lebrun, Tournières ou Gobert et que Rigaud ne bouda pas, malgré ses trop rares exemples qui parvinrent jusqu'à nous.

Une invitation donc pour tous, à retourner à Perpignan admirer de (très) près la version de 1706, avec ses traits d'esquisse si émouvants et si visibles du travail préalable de l'artiste-dessinateur...

 

Hyacinthe Rigaud, portrait de la famille Le Juge, 1706 (détail). Perpignan, musée Rigaud © photo Stéphan Perreau

Hyacinthe Rigaud, portrait de la famille Le Juge, 1706 (détail). Perpignan, musée Rigaud © photo Stéphan Perreau

Hyacinthe Rigaud, portrait de la famille Le Juge, 1706 (détail). Perpignan, musée Rigaud © photo Stéphan Perreau

Hyacinthe Rigaud, portrait de la famille Le Juge, 1706 (détail). Perpignan, musée Rigaud © photo Stéphan Perreau

Hyacinthe Rigaud, portrait de la famille Le Juge, 1706 (détail). Perpignan, musée Rigaud © photo Stéphan Perreau

Hyacinthe Rigaud, portrait de la famille Le Juge, 1706 (détail). Perpignan, musée Rigaud © photo Stéphan Perreau

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