Le « Paris » de Jean Ranc

En illustrant son récent catalogue raisonné des peintures françaises par la fascinante Vertumne et Pomone de Jean Ranc[1] (Montpellier, 1674 – Madrid, 1735), le musée Fabre de Montpellier a mis l’accent sur l’un de ses chef-d’œuvres. Cette pièce emblématique du goût français révèle cependant un peintre méconnu, dont la carrière espagnole au service de Philippe V ne s’étala que sur 13 ans, d’octobre 1722 à sa mort. Des trente années qu’il passa à Paris, dans l’ombre de son maître et parent Hyacinthe Rigaud (1659-1743), on oublia tout. Cependant, quelques morceaux choisis issus de cette période nous permettent aujourd’hui de mieux appréhender la naissance de son style.

Il est presque impossible de se pencher sur l’art de Rigaud sans évoquer son meilleur élève, tant leur parentés sont multiple. Rigaud, à peine âgé de 15 ans, avait en effet fréquenté l’atelier montpelliérain d’Antoine Ranc (v.1634-1716), père de Jean. Si Dezallier d’Argenville assurait avec quelque exagération que les portraits de cet honnête professeur approchaient ceux de Van Dyck[2], on pense plus raisonnablement que Rigaud fut séduit par sa collection de maîtres anciens, laquelle faisait la part belle aux écoles du Nord et aux Poussinistes. Lorsque le Catalan part pour Lyon, en 1677, Jean Ranc n’a que trois ans. Entre 1685 (date du décès de sa mère) et 1692, quand son père s’apprête à terminer les œuvres inachevées de Jean de Troy (1638-1691), on pense que Jean dut être employé aux chantiers d’Antoine[3]. Très vite, le succès de Rigaud, installé à Paris depuis 1681, était parvenu jusqu’à Montpellier. Si l’on ne connaît pas les noms des deux aides que ce dernier emploie dès 1692, il est vraisemblable de penser à son frère, Gaspard (1661-1705) et au jeune Ranc. Les trois hommes allaient en effet rapidement former un cercle familial centré autour la place des Victoires ; quartier où Rigaud louait son appartement-atelier et dans lequel il logeait, pour plus de commodité, ses employés. 

Jean Ranc, portrait du prince de Vaudémont (à gauche) et de Jean-Louis de Roll Montpellier (à droite). Coll. priv. © photo d.r.

Jean Ranc, portrait du prince de Vaudémont (à gauche) et de Jean-Louis de Roll Montpellier (à droite). Coll. priv. © photo d.r.

Si la carrière du frère cadet de Rigaud fut brève et discrète, celle de Jean Ranc fut plus éclatante, débouchant par sa nomination comme portraitiste du roi d’Espagne en 1722[4]. Ses débuts à Paris furent prédestinés par le passage des deux frères à Montpellier, et l’on sait qu’en 1696 son talent avait déjà motivé Hyacinthe à lui confier la duplication du premier portrait de Louis XIV [*PC.387][5]. Deux ans plus tôt, Antoine Ranc, son père, avait d’ailleurs commandé une réduction en buste de cette effigie originellement « en pied »[6]. Quoiqu’aucun contrat d’apprentissage n’ait été retrouvé, le jeune « élève » travailla très régulièrement dans l’atelier parisien jusqu’en 1699, ébauchant, habillant, copiant les modèles les plus prestigieux, tout en se spécialisant la plupart du temps dans les visages ou les vêtures. Ranc partagea parfois sa clientèle avec son professeur, tel le prince de Vaudémont ou Jean-Louis de Roll-Montpellier. Il semble cependant avoir rapidement acquit une certaine autonomie grâce à un savoir-faire dont la qualité dépassait le commun des aides, mais aussi, très certainement, par des prix plus bas, du moins dans un premier temps car on se plaignit vite que son temps « étoit fort cher »[7].

 

Jean Ranc, portrait de Nicolas de Plattemontagne (à gauche) et de François Verdier (à droite). Versailles, musée national du château © photos Stéphan Perreau

Jean Ranc, portrait de Nicolas de Plattemontagne (à gauche) et de François Verdier (à droite). Versailles, musée national du château © photos Stéphan Perreau

Le 30 mars 1697, sur les conseils de son maître, il tenta le prix de Rome avec un sujet figurant Les Frères de Joseph retenus à la cours de Pharaon et soupçonnés d’être des espions. Il dut pourtant s’incliner face au talent de Dullin et de Cornical, mais se présenta à l’Académie le 30 décembre 1700. Trois ans plus tard, il remettait à ses pairs les effigies de Nicolas de Plattemontagne (1631-1706) et de François Verdier (1651-1730), deux morceaux de réception sur le talent du portrait dans lesquels la main de Rigaud est flagrante[8]. Si l’auguste institution reconnut qu’il « avoit aussy beaucoup de talent pour l’Histoire par un grand tableau du Portement de croix qu’il a faict voir », et souhaita lui en commander un nouveau, le peintre n’obtint jamais le titre convoité, sans cesse retardé à satisfaire ses pairs. Sa présence au Salon de 1704 fut néanmoins très remarquée avec onze portraits, dont une Vierge et le fameux Portement de croix.

Jean Ranc (attribué à), Crucifixion (détail). Collection privée © CDPHSP

Jean Ranc (attribué à), Crucifixion (détail). Collection privée © CDPHSP

Ranc fut sans conteste le meilleur héritier de Rigaud pour le style, l’acuité psychologique des modèles et l’opulence des drapés, mais il n’en fut pas qu’un simple affidé. Continuateur in fine et repreneur de modèles de son professeur, il développa son propre style, réussissant dans toutes les parties de la peinture, plus particulièrement dans les accessoires (oiseaux, chiens, fleurs) et dans les carnations que l’on jugea « porcelainées ». Ses productions se ressentent d’un air mélancolique caractéristique, comme dans ce vibrant portrait d’homme au manteau rouge, faisant la part belle à un contraste vibrant entre ombre et lumière crue et à l’usage paroxystique et frénétique de drapés « froissés » aux angles déjà vifs[9]. Mais, au-delà des œuvres qui parlent aujourd’hui d’elles-mêmes, le compte rendu de 1729 d’un consul de France à Lisbonne, M. de Montagnac, résuma à lui seul le lien stylistique qui existait entre le maître et son ancien élève :

« Il arriva ces jours derniers à ce peintre une aventure fort singulière au sujet d’un portrait du feu marquis de Gascaes qu’on disoit avoir été peint par Rigault lorsque ledit marquis étoit ambassadeur en France. Le roy de Portugal se l’estant fait apporter dans le temps que le sieur Ranc étoit le peindre de Majesté, et après avoir fort aplaudy ce portrait, que ledit sieur Ranc avoit déjà été voir chez le marquis de Cascaes, il luy demanda sy cela étoit peint par Rigault, que tous les peintres qui l’avoient veu l’avoient dit ainsi : sur quoy ledit Ranc, qui reconnut ce portrait pour l’avoir fait luy-mesme, étant élève du sieur Rigault, dit au roy de Portugal que comme il falloit parler vray aux testes couronnées, qu’il devoit dire à Sa Majesté que c’étoit un portrait qu’il avoit fait à luy-mesme, et que s’il n’avoit point détrompé d’abord le marquis de Cascaes fils[10] de ce qu’il croyoit qu’il avoit été fait par Rigault, ç’avoit été par modestie, mais qu’il ne pouvoit désavouer à Sa Majesté que c’estoit luy qui l’avoit fait. Le roy de Portugal et le marquis, qui étoit présent, le gracieusèrent fort sur ce portrait[11]. »

Jean Ranc, portraits des infants Dom Francisco et Don Antonio de Portugal, 1729, Palais royal de Madrid © service de presse

Jean Ranc, portraits des infants Dom Francisco et Don Antonio de Portugal, 1729, Palais royal de Madrid © service de presse

On aurait peine à reprocher à Ranc la complaisance du subterfuge car, encore aujourd’hui, nombreuses sont les œuvres jusqu’ici attribuées à Rigaud dans les ventes publiques et qui, lorsqu’on entre plus précisément dans leur « pâte », laissent éclater leur parenté avec le peintre d’origine montpelliéraine.

C’est pourtant dans le développement larges drapés géométriques puis excessivement nerveux, que l’artiste va se singulariser. Ses premiers essais de « plis cassants », plus « électriques » que doucement volants, transparaissent dans quelques tableaux donc celui de de Jean Olivier (1659-1742), greffier en chef, ancien et alternatif du bureau des finances de Bordeaux depuis 1684.

Ce n'était pas la première fois que Ranc avait eu à peindre de haut fonctionnaires d'état. Déja, au Salon de 1704, il avait déjà exposé parmi dix de ses meilleures pièces, le portrait d’un parlementaire parfaitement illustrateur de son style. Positionné sur la porte d’entrée, telle une figure de proue, l’effigie aujourd’hui perdue d’André Nicolas de Jassaud (1657-1717), président à la cour des comptes de Paris, sembla revêtir une importance particulière à ses yeux, car, quittant Paris pour l’Espagne, Ranc en laissera une réplique chez sa belle mère[12]. Lorsqu’il peint Jean Olivier, en 1715, il choisit un format standard, sans ostentation mais parfaitement adapté à la fonction du modèle.

Jean Ranc, portrait de Jan Olivier, 1715 (après restauration). Collection privée © photo Stéphan Perreau

Jean Ranc, portrait de Jan Olivier, 1715 (après restauration). Collection privée © photo Stéphan Perreau

Parvenue jusqu’à nous sur sa toile d’origine, l’œuvre était devenue quelque peu illisible à cause d’un chanci généralisé dans le vernis. La face du greffier semblait sortir de l’ombre dans laquelle on ne devisait que peu le vêtement. En buste, tourné vers la droite, il arbore une ample perruque vaporeuse dont les rabats retombent sur le devant de son buste. La restauration a fort heureusement fait réapparaître l’ensemble de l’a vêture, dans un extraordinaire état de conservation. Elle reprend le vocabulaire d’une robe de magistrat, du rabat blanc en cravate double, très caractéristique, à la couleur de l’ensemble en satin noir. Ranc ici semble au sommet de son art. En tant qu’affidé et ami de celui qui est, depuis 1715, son oncle, Ranc a, une fois de plus, parfaitement assimilé l’art de Rigaud pour l’effet des tissus et des matières. On reconnaît bien le fracas de drapés nerveux aux plis géométriques et accentués dont il fera sa marque de fabrique. L’agencement presque artificiel et répétitif de ces plis devient en réalité tant un prétexte à jouer d’une gamme de couleurs en camaïeu de noir que de faire jouer de manière virtuose la lumière qui donne le relief à la composition. Répondant à cette nervosité savamment construite, la bonhomie apaisante des traits du modèle est un exemple du genre.

Jean Ranc, portrait de Jan Olivier, 1715 (après restauration). Collection privée © photo Stéphan Perreau

Jean Ranc, portrait de Jan Olivier, 1715 (après restauration). Collection privée © photo Stéphan Perreau

La face d’Olivier est une large plage de couleur, douce, calme et porcelainée, au sein de laquelle la touche de l’artiste s’avère extrêmement fondue, preuve d’une grande maîtrise. Là encore, certains éléments sont récurrents dans l’art de Ranc, à l’instar de sa façon de rosir nettement les joues, accentuant le haut des pommettes. Le peintre s’affranchit de la raideur artificielle d’un Gobert mais n’accède cependant pas à la fluidité naturelle des carnations d’un Largillierre. Il avoue néanmoins sa dette à Rigaud qui avait lui-même eu quelques parlementaires dans son escarcelle de clients. Qu’ils aient été établis à Paris ou venus de province tout exprès pour solliciter Rigaud, ces derniers étaient majoritairement originaires de Lyon, du Languedoc ou de Normandie. Bordeaux ne fut néanmoins pas en reste en la personne d’Étienne Beaudouin (1700), président-trésorier de France au bureau des finances[13] et Nicolas de Combabessouze, conseiller au parlement[14]. Plus proche de notre Olivier, on imagine que le portrait du marquis de La Caze, premier président au même parlement, peint en 1714 pour 200 livres[15], devait probablement utiliser le même vocabulaire.

Jean Ranc, portrait de Jan Olivier, 1715 (avant restauration). Collection privée © photo Stéphan Perreau

Jean Ranc, portrait de Jan Olivier, 1715 (avant restauration). Collection privée © photo Stéphan Perreau

Si le style de Ranc ne faisait aucun doute, il eut été sans doute difficile d’identifier le présent modèle en l’absence de toute inscription. Sa conservation, au dos de la toile d’origine, est donc inestimable. Grâce à elle, on sait que Jean Olivier mourut à Paris le 25 mars 1742, âgé de 82 ans et 3 mois. Nos recherches dans des archives restées ignorées, ont montré qu’il était fils de Jean, sieur de La Valade et de Hélis Vidau. Il obtient, le 20 juillet 1684 les lettres de provision de trois offices de greffier en chef, alternatif et triennal du bureau des finances de Bordeaux, sur démission en sa faveur de Théophile de La Cheze qui en était propriétaire[16]. Ses fonctions le mènent donc fréquemment à Paris où il loge dans un premier temps sur la paroisse Saint-Jean-en-Grève.

Acte de mariage de Jean Olivier © photo Stéphan Perreau

Acte de mariage de Jean Olivier © photo Stéphan Perreau

Le 19 septembre 1691 il y épouse, par contrat, devant maître François Arouet[17], Marie Pioget, fille d’un receveur général des finances à Amiens. Dès février 1713, il semble qu’Olivier se soit démis de sa charge de greffier au bénéfice de son neveu, Jean Richon, dont il paiera cependant les frais jusqu’à sa mort[18]. Le 26 mars 1716, Jean Olivier fait enregistrer sa commission de receveur général de la Chambre de Justice, cour extraordinaire créée pour enquêter sur les malversations financières et, au besoin, récolter les fonds illicites[19]. Il semble avoir officié à ce poste au moins jusqu’en 1737, date à laquelle est publiée un Arrêt du conseil d’Etat du Roy qui éteint au profit du roi et à la décharge du Sr Olivier, receveur général de la chambre de justice, tous les contrats de rentes sur l’hôtel-de-ville de Paris, quittances de finance pour joüir de divers droits & augmentations de gages, provisions & quitance de finance d’offices supprimez, & autres semblables effets remis ès mains dudit Sr Olivier et à luy donnez en paiement des taxes de la chambre de justice ou par forme de consignation sur lesdites taxes[20]. Le 28 mai 1737, un autre arrêt du conseil d’Etat ordonne l’extinction au profit du roi et à la décharge du Sr Olivier, receveur général de la chambre de justice, de plusieurs contrats de rente et quittances de finance qui lui ont été remis par différents particuliers en paiement de leurs taxes[21].

Partageant son temps entre Paris, le parlement de Bordeaux, ses quatre maisons à Fronsac, sa propriété de Noisy-le sec, ses terres à Poissy et à Triel, Olivier s’établit pour davantage de praticité rue du Pont-aux-choux, « au Marais »[22], dans la maison de son cousin et homonyme, Jean Olivier (Fronsac, 6 avril 1674 – Paris, 22 décembre 1755), écuyer, conseiller et secrétaire du roy, maison et couronne de France et de ses finances[23]. Il y occupera, en pension, une antichambre, un cabinet, un arrière cabinet et une chambre au premier étage où maître Plastrier procède à son inventaire après décès, le 6 avril 1742 et jours suivants[24]. Veuf et sans enfants, Olivier avait, par son testament du 24 janvier précédent[25], désigné son cousin comme exécuteur testamentaire et principal héritier de ses biens, excepté ceux de Fronsac ainsi que sa charge de greffier qu’il léguait à son neveu Richon. L’inventaire de l’appartement du greffier à Paris s’avère donc assez sommaire. Outre de très nombreux papiers, cet amateur de vin de Carrières-sous-Poissy, dont il possédait quelques muids, tenait audience régulière en son appartement, ainsi qu’en témoignent les meubles qui le composent : nombreux fauteuils, canapé de trois plans décoré de tapisserie à point d’éguille et velours cramoisi, bureaux en marquetterie, écritoire en maroquin, pupitre, secrétaires recouverts de cuir, bibliothèque… Rien ne manquait non plus pour le confort et la décoration : urnes en pocelaine bleue, table de marbre en consolle sur son pied de bois doré, pendule dans sa boite et sur son pied de marquetterie avec ornements de cuivre, trumeaux de glaces, bras de cheminée, bobèches, rideaux de taffetas, tapisserie à bandes de moire verte et en point d’angleterre. Dans son cabinet, et en bon fonctionnaire de l’Etat, Olivier offrait à la vue des visiteurs des estampes et des portraits de Louis XIV et de Louis XV, que venaient compléter celle d’un roi David et des effigies « représentant des anciens ministres ».

P. Drevet d'après Hyacinthe Rigaud. Portrait de Louis XV (1715) et de Louis XIV (1700). Coll. priv. © photo Stéphan Perreauu

P. Drevet d'après Hyacinthe Rigaud. Portrait de Louis XV (1715) et de Louis XIV (1700). Coll. priv. © photo Stéphan Perreauu

C’est dans l’antichambre, ayant vue sur le jardin, qu’étaient conservés deux autres toiles plus intimes : « un ancien tableau peint sur toile représentant le portrait d’un homme de cour dans sa bordure de bois doré » et « un autre petit tableau dessus de porte, peint sur toille, aussy dans sa bordure de bois doré ». Nous pouvons identifier le petit portrait comme étant celui de Jean Olivier par Ranc car on le retrouve au même endroit dans l’inventaire après décès du secrétaire du roi, dressé par le notaire Plastrier le 29 décembre 1755 (n°41)[26] : « Et à l’égard d’un autre tableau dessus de porte peint sur toile dans sa bordure de bois sculpté et doré, représentant feu M. Olivier, trésorier général des finances de la chambre de Justice, cousin dudit défunt, il n’en a point été fait de prisée comme portrait de famille mais seulement tiré pour mémoire ». Le tableau, comme le désira le secrétaire[27], passa à l’une de ses deux enfants, Catherine Françoise qui, en épousant en 1743 Jean-Louis Vacquette, seigneur de Lenchères, conseiller au Grand Conseil, le légua à son tour à fille sa cadette, Élisabeth Jeanne. Celle-ci fit un temps entrer le tableau dans les collections d’un membre de la noblesse des États d’Artois, René Jérôme de Marcé, seigneur d’Humbercourt qu’elle épousa en 1774. De là, le visage jovial de Jean Olivier passa au gré des héritages au seigneurs de Louppes au château de Casso, en Charente jusqu’à sa récente réapparition.

La maigreur du corpus des œuvres de l’artiste ne lassa pas les historiens de s’étonner. En 1728, écrivant à un ministre espagnol pour tenter de justifier son retard pris dans l’avancement du grand portrait de 1723, Ranc avoue une certaine lenteur de travail : « Monseigneur, je me suis remis à continuer d’achever mon grand tableau, auquel il me faut encore bien du tems ; suppliant très humblement leur Majestez, d’avoir la bonté de faire atention que je suis seul à mon travail, ne pouvant me faire aider de personne, à cause de la manière singulière que je me suis faite, d’étudier mes ouvrages dans toutes les parties de la Peinture, et de les finir extraordinairement, ce qui les rend très longs ; c’est aussy ce qui m’oblige […] de travailler faite et dimanche, depuis sept heure du matin jusques à la nuit[28]. » A Paris, sans l’abondance des aides de Rigaud ni la virtuosité improvisatrice d’un Largillierre, la méticulosité de Ranc sembla le ralentir. Dès juin 1721, il préparait un possible départ et, en mai 1722, certains clients se plaignirent des prix qu’il pratiquait. Sa participation en 1719 aux Fables Nouvelles d’Antoine Houdart de La Motte (1672-1731), ajoutée à la confection des ambitieux portraits de Louis XV (Versailles, musée national du château) et du Régent à cheval (dont seule la gravure d’Édelinck garde le souvenir) constituent ses derniers grands chantiers.

Logeant probablement chez Rigaud à ses débuts, Ranc avait déménagé dès 1704 pour s’installer rue Coquillère, entre les rue de Grenelle et du Boulois[29], précisément là où le Catalan s’était établi à son arrivée à Paris[30]. De 1707 à 1721, soit un an avant son départ définitif pour Madrid, il renouvellera deux fois le bail d’une « petite maison » à l’entrée de la rue des Fossés-Montmartre, vis-à-vis l’hôtel de Pomponne donnant sur la place des Victoires comme l'a redécouvert Daniel Wildenstein. Il la loua au commis de Colbert et secrétaire de Pontchartrain, Michel I Ancel Desgranges (1649-1731), dont le fils sera d’ailleurs l’un des nombreux modèles du Catalan [*P.874].

Paris, place des Victoire , vue vers la rue des Fossés Montmartre, avec, à son entrée à gauche, le bâtiments appartement aux Desgranges et ou vécut Jean Ranc.

Paris, place des Victoire , vue vers la rue des Fossés Montmartre, avec, à son entrée à gauche, le bâtiments appartement aux Desgranges et ou vécut Jean Ranc.

La relation entre Rigaud et Ranc fut unique par sa longévité et sa ferveur car, n’ayant pas de descendance directe, le Catalan avait reporté principalement son affection sur sa nièce, Marguerite Élisabeth, devenue depuis le 13 juin 1715 l’épouse de son parrain, Jean Ranc, et seule rescapée de la progéniture de Gaspard Rigaud[31]. Dès le 28 juillet, il avait fait rédiger un troisième testament dans lequel il donnait et léguait « à la damoiselle Rigaud, sa nièce et à présent femme du sieur Ranc, peintre de ladite Académie, qui pourra les achever pour son compte ainsy qu’il le jugera à propos et les débiter à son proffit […] plusieurs desseins de différents maistres et de luy, un portefeuil contenant un grand nombre d’attitudes dessinées d’après ses ouvrages, par luy retouchées, plusieurs ouvrages parfaits et à parfaire avec des toiles, des couleurs, et des ustanciles de l’art de peinture, lesquels conviendront à un maistre dudit art[32] ».

Mais l’occasion plus concrète encore d’aider le couple Ranc se présenta bientôt. Le 14 octobre 1721, le marquis de Maulévrier, ambassadeur du roi de France dans la péninsule Ibérique, écrivit au cardinal Dubois [P.1309] pour l’informer que le petit-fils de Louis XIV, l’ancien duc d’Anjou devenu roi d’Espagne sous le nom de Philippe V [P.697] se désespérait des artistes espagnols qu’il avait trouvés à son avènement en 1701. Le monarque souhaita impérativement qu’on lui envoyât un portraitiste digne de ce nom, évoquant expressément ceux dont il avait gouté l’art à Versailles : Largillière, de Troy ou Rigaud.

Jean Ranc, portrait de la famille de Philippe V. 1723. Madrid muséo del Prado © photo Stéphan Perreau

Jean Ranc, portrait de la famille de Philippe V. 1723. Madrid muséo del Prado © photo Stéphan Perreau

Le 18 novembre, Dubois répondit que « les trois peintres que vous nommés sont si âgés et si infirmes qu’aucun d’entr’eux n’est en état d’entreprendre le voiage de Madrid, mais il en sera incessamment choisi un qui pourra satisfaire leurs Majestés Catholique et que l’on croit aussy bon, qu’aucun des trois autres[33] ». Rigaud intrigua donc assez rapidement pour que Jean Ranc fût choisi, ce qui fut entériné, le 30 août 1722, par une missive de Dubois à Maulévrier dans laquelle l’artiste est décrit comme « le plus habile que nous ayons après Mrs Rigault, M. Troyes et Largilière[34] ». Le 5 octobre, Ranc prenait ses fonctions à Madrid, non sans avoir laissé à Paris, aux bons soins de sa belle-mère et du soutient financier de Rigaud, ses premiers enfants vivants[35] ainsi que quelques objets : des tableaux, « deux cuillers et une fourchette d’argent armoiriées des armes de deffunt M. Ranc » (ordre de Malte), une « basse de violle avec son étuy couvert de cuir doublé de flanelle verte » et un clavecin « à ravalement dans sa boiste et sur son pied de bois de noyer garny de cuivre » fait par Honoré Rastoin (v.1675-1721) [36], et non Raston comme on pouvait le lire encore récemment[37].

Au fil de ses testaments, Hyacinthe Rigaud compléta son legs initial à Ranc. En 1726, il lui destinait « toutes les mains moulées en plastre d’après nature, avec l’armoire dans laquelle elles sont enfermées », précisant que le tout serait remis à sa belle-mère, Marie-Marguerite Caillot, pour qu’elle les remette à son gendre[38]. Cinq ans plus tard, il ajouta « toute l’œuvre en estampe de feu M. Le Brun », un livre renfermant l’ensemble des portraits « qui ont été gravés d’après le sieur testateur, relié à l’ordinaire », un portefeuille composé de dessins d’après ses portraits « et qu’il a retouchés » ainsi qu’un autre « d’académies de différents maîtres avec les autres dessins de différents maîtres » [39].

Au lendemain du quatrième testament qu’il rédigea le 16 novembre 1724[40], la disparition de son légataire initial, son filleul homonyme et frère aîné de madame Ranc[41], obligea Rigaud à transférer, dans un cinquième acte du 16 juin 1726, l’ensemble de la disposition initiale à la sœur du défunt, « qui se nomme Rigaud de son nom de famille et batesme de laquelle il ne se souvient pas[42] ». À l’exception des legs particuliers, Marguerite Élisabeth devenait donc la détentrice en usufruit des biens potentiels de son parent, et ses enfants détenteurs en nue-propriété. Quelques mois après la mort de son oncle, et plus de neuf ans après la disparition brutale de son époux (survenue à Madrid le 1er juillet 1735), madame Ranc rentra enfin à Paris pour toucher un héritage de plusieurs dizaines de milliers de livres avec lequel elle meubla son appartement du cloître Saint-Benoît ainsi que ses deux propriétés de Suresnes et de Rueil, respectivement acquises en 1754 et 1756.

Tous les autres biens de Rigaud, relatifs à la peinture, furent légués par un nouveau testament, du 29 septembre 1735, à Hyacinthe Collin de Vermont (1693-1761), autre filleul de Rigaud « qui avait embrassé la carrière de la peinture »[43].

Ce n’est que très récemment que nous avons redécouvert la date du décès de celle qui signait parfois d’une encre dorée « Marguerite Élisabeth Rigaud-Ranc ». Morte dans une relative simplicité, le 9 mars 1772, « dans un appartement au deuxième étage, à elle sous loué par Madame de Sainte Marthe[44], dépendant du couvent des dames de l’assomption, sis en cette ville, ruë Saint Honoré, paroisse Saint Roch » elle est inhumée dans son église, le 13 suivant[45]. L’inventaire inédit de ses biens, que nous avons également pu retrouver en 2010, fut réalisé le 14 mars en présence de deux de ses trois enfants vivants : Marguerite Antoine et Hyacinthe Joseph, ancien cornette de dragons au régiment de Numance de l’armée d’Espagne en Italie. Claude, capitaine du régiment de Brabant du roi d’Espagne, était alors à Ceuta, une enclave espagnole sur la côte marocaine. Soldini, le gendre de la défunte, était également présent, quoique « époux séparé quant aux biens » de Marguerite Antoine.

31/10/2014 à 23:23

 

 

 

 


[1] Prononcez « Ranck » ou « Ranque ».

[2] Antoine-Joseph Dezallier d’Argenville, Abrégé de la vie des plus fameux peintres, II, Paris, De Bure, 1745, p. 310.

[3] Son frère cadet, Guillaume Ranc (1684-1742), également peintre, était encore trop jeune.

[4] Pour la période espagnole de Ranc, on se rapportera aux nombreux travaux de Yves Bottineau et de Juan J. Luna, dont le catalogue El arte en la corte de Felipe V (Fondation Caja Madrid, 2002, p. 157-172) offre un bon résumé.

[5] Voir Stéphan Perreau, « Les années parisiennes de Jean Ranc », L’Estampille l’objet d’art, janvier 2012, p. 66-74.

[6] Ms. 624, f° 10 v°, 1694 (« une du Roy pour mr Rancq le père », 40 L).

[7] Perreau, 2012, op. cit., p. 71. Xavier Dejean, dans le catalogue d’une exposition au musée Fabre de Montpellier en 1979, a prêté, à tort selon nous, un retour de Jean Ranc dans sa ville natale en 1702-1703. La démonstration, qui ne repose sur aucune source précise, fut faite pour corroborer la datation d’un portrait attribué au peintre de l’intendant de Languedoc, Lamoignon de Basville (Montpellier, musée Fabre. Inv. 828-3-2). Mais cette légende a été reprise longtemps après lui. D’ailleurs, en 1994, Antoine Schnapper rejoignait l’hypothèse en voyant Jean Ranc dans l’un des peintres nommés le 5 juillet 1703, pour l’expertise de la collection de tableaux léguée par le peintre Samuel Boissière à l’hôpital général de la ville de Montpellier (Curieux du Grand Siècle, p. 422). Le document d’archive cité, qui n’est qu’une copie d’un original perdu, ne cite pourtant que le nom de Ranc, sans aucun prénom ni titre (AH, 3HDT B49). Selon nous, il s’agit bien plus probablement du père, Antoine (qui ne meurt qu’en 1716), sans doute le plus qualifié pour mener une telle expertise (Guillaume Ranc, le fils cadet, étant pour sa part trop jeune).

[8] Montaiglon, 1875-1892, III, 306.

[9] Huile sur toile, 81 x 65 cm. Anc. coll. Mme Roland D. Le Vésinet (1996) ; vente Saint-Germain-en-Laye, Loiseau-Schmitz, 3 juin 1996, lot. 47.

[10] Manuel José de Castro Noronha Sousa e Ataíde, 8e comte de Monsanto (1666-1742).

[11] Correspondance de Portugal, vol. LXIV, fol. 71, 22 mars 1729 ; fol. 110, 131. Cité dans Roland Francisque Michel, Les Portugais en France, les Français en Portugal, Paris, Guillard, 1882, p. 50.

[12] Inventaire après décès de Marie-Marguerite Caillot (Archives Nationales, ét. XIII, 259, 17 décembre 1737). Acte découvert par nos soins en 2000.

[13] Stéphan Perreau, Hyacinthe Rigaud, catalogue concis de l’œuvre, Sète, 2013, cat. PC.683, p. 157.

[14] Ibid., cat. *P.673, p. 156 [sans identification]. Nicolas de Combabessouze (3 novembre 1659 - 13 décembre 1756), seigneur de Saint Quentin, fut conseiller au parlement de Bordeaux depuis le 25 mai 1686 avant d'en devenir doyen en 1747 (Topkassi, Les collections des magistrats du parlement de Bordeaux au XVIIIe siècle, Collections et marché de l'art en France au XVIIIe siècle, actes de la 3e journée d'études d'histoire de l'art moderne et contemporain, Bordeaux, 2002, p. 111-124)Il déposa deux testaments olographes devant Maître Perrens, notaire à Bordeaux,  les 16 juillet 1751 et 21 juillet 1752, dont l'ouverture, le 12 décembre 1756, révéla qu'il léguait à sa fille aînée Marguerite (1710-1798), marquise de La Douze d'Abzac, le « meuble le plus précieux qui est son portrait peint de la main de Rigaud » (A.D.G., 3E 17567 ; voir V. Bourgadieu, « Recherches sur la noblesse dans la juridiction de Monségur au XVIIIe siècle »,  Cahiers du Bazadais, n° 76, 1er trimestre 1987, p. 7).

[15] Ibid., cat. P.1207, p. 242.

[16] Lettres obtenues suite à un acte en sous-seing privé daté du 30 juin 1684 dans lequel Theophile de La Cheze a vendu ses trois offices. Copie de l’acte chez le notaire Pierre Caillet (et. LXXV).

[17] A. N., Minutier Central, et. LVII, 170.

[18] A. N., V/1/ 332, pièce 39.

[19] Catalogue général des livres imprimés de la Bibliothèque nationale. Acte royaux, rédigé sous la direction de Mr S. Honoré, Tome V, Louis XV (1715-1755), Paris, 1910, p. 62 : 26 mars 1716. 26374 : Commission de receveur général de la Chambre de justice pour Mr Olivier… Registrée en la Chambre de justice [le 26 mars 1716]. — Paris, Impr. royale, 1716. In-4°, 3 p. (5 ex. à la BN : F. 14192, 20970 (2), 21290 (36), 23621 (333) et Z. Thoisy 398, fol.35).

[20] Paris, imprimerie Royale, 1er octobre 1737. Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, F-21126 (42).

[21] Paris, imp de P. Prault, 1740, Paris, B.N. F-23658 (392).

[22] Adresses successives de Jean Olivier, secrétaire du roi : 1723 (« rue Saint Louis au Marest », p. 95) ; 1724 (id. p. 95) ; 1725 (id. p.112) ; 1727 (« Olivier, rue du Pont-aux-choux », p. 110 ; 1728 (« Olivier, rue des Porcherons », p. 125 ; 1729 (« Olivier, rue de Poitou, au Marais », p. 125 ; 1730 (id. p. 125) ; 1731 (id. p. 141) ; 1732 (« Olivier, rue du Pont-aux-choux », p. 141) ; 1733 (id. p. 141) ; 1734 (id. p. 141) ; 1735 (id. p. 148) ; 1736 (id. p. 148) ; 1737 (id. p. 148) ; 1740 (id. p. 153) ; 1741 (id. p. 157) ; 1744 (id. p. 153) ; 1746 (id. p. 153) ; 1747 (id. p. 154) ; 1749 (id. p. 156) ; 1750 (id. p. 157) ; 1751 (id. p. 157) ; 1752 (id. p. 157) ; 1753 (id. p. 157) ; 1755 (id. p. 157) ; 1756 (id. p. 162).

[23] Ancien receveur général des finances d’Amiens, il fut reçu secrétaire du roi le 13 avril 1722 au lieu de feu Paul Dujardin, puis supprimé par l’édit de 1724 et reçu à nouveau le 18 décembre 1724, au lieu de Charles-François-Frédéric de Montmorency, duc de Luxembourg ; il mourut en 1755, et fut remplacé le 12 mars 1756 par Joseph-François Waubert d’Hercher. « Né à Fronsac, le 6 avril 1674, il était fils de Jean Olivier, avocat en la cour de Bordeaux, et lieutenant ordinaire au duché de Fronsac, et de Françoise Meydon. Son parrain Jean Olivier et sa marraine Catherine Olivier, frère et sœur. Il était le petit-fils de Pierre Olivier, avocat en parlement, pourvu de la même charge. Il épousa Marie-Jeanne Regnault, fille de François, et sœur d’un fermier général en Guyenne. Armes : d’or à l’olivier terrassé de sinople, et au lion de gueules à senestre rampant contre le fil de l’arbre » (Annuaire de la noblesse de France, 1907, p. 307).

[24] A. N., Minutier Central, et. LXXII, 293.

[25] Ibid. Insinué le 31 mars au Châtelet (DC6-229, f.168).

[26] A. N., Minutier Central, et. LXXII, 335.

[27] Testament de Jean Olivier, conseiller secrétaire du roi, passé devant maître Plastrier le 5 août 1744, insinué au Châtelet le 24 octobre 1755 (DC6-238, f.207).

[28] Madrid, Archives du Palais Royal, Dossier personnel de Jean Ranc, 868-18. Cité en partie par J. J. Luna, « Jean Ranc : Ideas artisticas y métodos de trabajo, a través de pinturas y documentos », Archivo español de arte, tome 53, n°212, 1980, p. 460.

[29] Liste des noms et adresses de Messieurs les Officiers de l’Académie Royale de Peinture et Sculpture, Paris, École nationale supérieure des beaux-arts, ms. 21. Il en est de même jusqu’en 1708.

[30] « Rigaud étoit venu loger dans la rue Coquillière, au coin de la rue des vieux Augustins, chez un Notaire » (Nougaret, op. cit.). Il s’agissait de l’adresse du notaire Nicolas-Charles de Beauvais (1664-1724), qui possédait deux maisons à portes cochères (n° 11 et 12 de la rue). Rigaud testa justement dans son étude de 1707 à 1724. Voir Stéphan Perreau, « Hyacinthe Rigaud et Marie Grisy » ou l’art de l’aumône, 15 août 2011, http:// http://hyacinthe-rigaud.over-blog.com.

[31] Huile sur toile, 94 x 83 cm. Stockholm, National Museum. NM 2770. Les neveux et nièces de Perpignan et de Collioure, enfants de sa sœur Clara Rigaud-Lafita, ne furent pas oubliés, mais leur éloignement ne permit par à Hyacinthe de leur témoigner son attachement autrement que par différents legs particuliers.

[32] Paris, arch. nat, MC, ET/XCV/63. Furent exclus de ce legs les tableaux « en bordure ».

[33] Paris, archives du ministère des Affaires étrangères, section Espagne, Correspondance politique, t. 307, f° 93.

[34] Ibid., f° 159.

[35] Antoine Jean-Baptiste (1717-1756), l’aîné, fut mis en pension chez Joseph François Maitrot, prêtre, docteur en Sorbonne et chanoine de l’église royale et collégiale de Sainte-Croix d’Étampes. Rigaud souhaita lui léguer ses ouvrages de piété « propres à former un parfait chrétien », mais le jeune homme rejoignit ses parents à Madrid et devint garçon de la chambre du roi en 1747, se faisant enterrer dans la capitale madrilène, en habit de moine séraphique de Saint-François. Hyacinthe Ranc (1718-1720), filleul d’Hyacinthe Rigaud était mort en bas âge à Auteuil. Restaient Marguerite Elisabeth (1719-.av. 1735), Claude (1720-ap.1772) et Hyacinthe Joseph (1722-1792). Jean-Baptiste Madeleine (1727-1757), naquit à Madrid et revint en France où il fut ingénieur du roi, comme son oncle Jean-Baptiste Ranc (1685-1757), établi à Saint-Quentin dans l’Aisne. Marguerite Antoine (1729-1803), qui devait épouser à Paris Benoît Antoine Soldini (v.1714-v.1784), commis du secrétaire général des postes, naquit aussi à Madrid. Nos récentes recherches aux archives de Madrid ont mis au jour l’existence d’un huitième enfant, Hyacinthe Guillaume (1732-v.1740), né à Séville et qu’aucun acte français ne mentionnait, échappant ainsi aux historiens Colomer et Wildenstein.

[36] Inventaire après décès de Marie-Marguerite Caillot, veuve de Gaspard Rigaud (Paris, Arch. nat., MC, ET/XIII/259, 17 décembre 1737). L’abbé Maitrot, qui assista à l’inventaire déclara que les instruments de musique « font partye de la réclamation par luy faitte comme le clavecin appartenant à ladite Dame Ranque et la basse de violle à ses deux enfans ». Rastoin demeurant rue Saint-Martin, fut juré de la communauté des « faiseur d’instruments » dès le 23 juillet 1692 (Paris, Arch. nat. Y 9322). Son fils, Jacques, fut également facteur et fut reçu maître en 1747 (ibid., Y9326). Voir Colombe Verlet, « Les facteurs de clavecins parisiens », Société française de musicologie, 1966, p. 62.

[37] Ariane James-Sarazin, 2009/2, p. 88.

[38] Cinquième testament, op. cit. Les autres figures en plâtre, notamment d’après l’Antique, devaient revenir à son filleul Collin de Vermont.

[39] Sixième testament du 11 février 1731 (Paris, Arch. nat., MC, ET/LIII, 256).

[40] Paris, Arch. nat., MC, ET/XCV/79.

[41] Jusqu’ici, on estimait la mort de Hyacinthe Rigaud, fils de Gaspard, avant 1738, date à laquelle son oncle réglait par testament les dettes du défunt Antoine Hanique (m. 1721), marchand rue Saint-Honoré (8e testament, Paris, Arch. nat. MC., ET/LXXIX/21, 21 avril 1738). Une lettre de Jean Ranc, écrite à Madrid le 23 juillet 1725, prouve que le jeune homme, « bourgeois de Paris » sur la paroisse Saint-Germain-l’Auxerrois, qui était encore vivant à l’automne 1724, disparut avant l’été de l’année suivante : « Ranc, prend la liberté d’Informer vos Majestez que les copies des Portraits de Monseigneur le Prince et de Madame l’Infante ne peuvent estre achevées avant leur départ, il les a mis en estat de pouvoir se passer des originaux. Il supplie très humblement Vos Majestez qu’il puisse les emporter à Madrid où il les achevera, et ou des affaires de famille, par la mort du frère de sa femme, demanderoit qu’il s’y rendit. Il prend aussi a liberté de remontrer à Vos Majestez, que le voyage de sa femme dans ce païs, et la dépense de se meubler, luy ont consommé entièrement ce qui luy restoit d’argent. » Madrid, Archives du Palais royal, dossier personnel de Jean Ranc, carton 868, dossier 18.

[42] Paris, Arch. nat., MC, ET/LIII, 237.

[43] Paris, Arch. nat. MC, ET/LIII/275.

[44] Élisabeth Torchet, veuve de François de Sainte Marthe, écuyer, louait un appartement dans le 13e pavillon attenant à l’église du couvent, contre 600 livres par an (Paris, archives nationales, Comptes des Audriettes de l’Assomption, H//5/4068, fol. 16 & 4069). Le premier bail fut passé devant Bronod, pour 9 ans, le 24 avril 1757 (LXXXVIII, 643), puis devant Delage, le 5 juillet 1770 (XIV, 413) et enfin, le 19 janvier 1779 devant Sauvaige (VIII, 1236). AU terme de ce dernier bail, est passé la résiliation, le 28 juin 1786, par les héritiers de Madame de Sainte Marthe, dont Pierre Claude Houllier de Saint Remy, conseiller au baillage de Suzanne. L’appartement était composé d’une cuisine en rez-de-chaussé, trois chambres en entresol, trois pièces au dessus et trois autres pièces au second étage avec deux caves.

[45] Annonces, affiches et avis divers, Paris, 1772, p. 240

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