Quand Maurice Quentin de La Tour étudie Hyacinthe Rigaud...
12 juin 2012Maurice Quentin de La Tour d'après Hyacinthe Rigaud : portrait de Charles Gaspard de Vintimille du Luc (détail) - Coll. part. © Sotheby's images
Alors que Christie’s South Kensington vient d’adjuger, le 4 mai dernier, une version en buste du portrait de l’archevêque Vintimille d’après Rigaud qui avait déjà été proposée le 8 juillet 2011 (lot 147)[1], la maison Sotheby’s incluera à sa vente du 4 juillet prochain (lot 82), un écho de l’œuvre par Maurice Quentin de La Tour (1704-1788). En provenance de la fameuse collection Camille Grout[2], la feuille est intéressante à plus d’un titre.
Depuis l’exposition organisée en 2004 dans les appartements de Mesdames à Versailles, La Tour, ce « voleur d’âmes » originaire de Saint-Quentin (où l’on peut admirer un ensemble particulièrement saisissant de ses œuvres), avait plus encore ému le public par son spectaculaire métier. Car d’âme il est vraiment question ici, véritable tour de force psychologique d’une feuille jusqu’ici identifiée comme un simple abbé et redonnée avec raison par Xavier Salmon comme une étude de La Tour d’après Rigaud.
« Comme à son habitude, le pastelliste ne chercha pas à reproduire l’ensemble de la composition de son prédécesseur, toute d’ostentation, mais il s’appliqua à seulement fixer les traits d’un visage vieilli par les excès et l’amour de la bonne chère » nous avoue l’auteur du catalogue. En effet, l’essentiel est dit. L’acuité du regard, le modelé des chairs pourtant fatiguées, la fatuité d’un homme parvenu au sommet comme archevêque de Paris… tout est résumé.
Maurice Quentin de La Tour d'après Hyacinthe Rigaud : portrait de Charles Gaspard de Vintimille du Luc - Coll. part. © Sotheby's images
Certes, ici, la Tour est encore élève, parfois un peu cassant dans ses traits, mais si virtuose déjà par la force des effets et la finesse de sa gamme chromatique. Cherchant la psychologie de son modèle, il est vrai que le jeune artiste est ici aidé dans sa quête par la parfaite ressemblance que Rigaud avait su donner à son propre pinceau.
Quel hommage plus appuyé pouvait-il rendre à celui dont le prestige inspirait une jeune génération désormais toute entière tournée vers le goût de l’intime ?
[1] Huile sur toile. H. 81,8 ; L. 65,2 cm. Le tableau avait été proposé pour la première fois le 8 juillet 2011, lot. 147. Il a été vendu 3500 livres.
[2] Passé ensuite en vente au Palais d’Orsay (Tajan) le 28 novembre 1978 (lot 9), le pastel rehaussé de gouache (34,4 x 26,4 cm) voisinait sur les murs de la collection Grout quelques œuvres de Rigaud telle la superbe étude pour un portrait de sculpteur et que nous pensons être son ami Jean Cornu ( 1650-1710), plutôt que Robert Le Lorrain avec lequel Rigaud avait des relations tendues (Voir Stéphan Perreau, Hyacinthe Rigaud, le peintre des rois, Montpellier, 204 (2012), p. 97.