Décidément l'année 1736 chez Hyacinthe Rigaud semble à l'honneur... A peu près au même moment que le portrait de l'ambassadeur Van Hoey, daté de 1736 de la vente Artcurial Deauville, est proposé chez Fraysse, à Paris, le 8 juin prochain (lot 7), un portrait d'homme âgé, daté et signé selon une inscription contemporaine sur la traverse du châssis, rapportant une plus ancienne, disparue après rentoilage : « peint par Hyacinthe Rigaud en 1736 » (Huile sur toile, H. 79 ; L. 63 cm). 

 

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Hyacinthe Rigaud - Portrait d'homme âgé (1736) © S. Perreau

 

L'inscription était sans doute une signature de l'atelier car Rigaud ne signait rarement certaines de ses toiles que sur le revers, lorsqu'elles étaient importantes à ses yeux (portraits destinés à être vus à la cour ou compositions familiales).

 

Cet homme âgé, à la mine sévère mais fort bien rendue, est figuré en buste, de face, habillé d'un ample drapé lie-de-vin, sur une veste de moire émeraude doublée de brocart d'or. Ces teintes, on le sait, furent celles du Rigaud des dernières années, très électriques, saturées et métalliques. L'ambassadeur Hoey en avait aussi les caractéristiques. Le manteau, à l'agencement des plis si duveteux, jouant habilement des effets de matière (velours doublé de soie), constitue ici un accessoire indispensable pour éviter la représentation des mains et ne pas élever le prix du tableau. Le fond du portrait figure une simple rotonde dont on aperçoit la corniche. Nous sommes ici dans la même ambiance que pour Van Hoey, même posture, même cravate à pompon, récurrente dans plusieurs portraits aujourd'hui en collections privées.

 

Se pose donc le problème de l'identification, comme en témoigne l'absence d'une notice dans le catalogue de la vente de juin. A l'instar du portrait de Hoey, dont le paiement intervient en 1735 alors qu'il est inscrit au dos 1736, le tableau proposé par Fraysse pourrait correspondre à des effigies inscrites aux livres de comptes entre 1735 et 1737. En effet, en 1736 aucun candidat ne semble correspondre car, hormis l'armateur René Robiou (1680-1752), « de Saint Malo », seigneur du Lupin (où il possédait une belle malouinière qui existe toujours), on ne rencontre que plusieurs chevaliers anglais de passage, des ecclésiastiques et des portraits non achevés (celui de Louis-Paul Boucher par exemple « la tête de ce portrait n'est pas tout à fait achevée, ledit sieur Boucher étant venu à mourir subitement dans le cour des séances, le 13 septembre 1736 »). Le mystère demeure mais on sait que de nombreux portraits des dernières années de Rigaud n'ont pas été inscrits aux livres de comptes.

 

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Hyacinthe Rigaud - portrait d'Antoine Rousseau (1737). Collection privée © S. Perreau

 

Ici, l'importante bordure XIXe n'est pas sans vouloir concurrencer celles, XVIIIe et tout à fait exceptionnelles, ornant les portraits (en pendant) des époux Rousseau, peints un an plus tard.

Reste donc à souhaiter que le bel inconnu de la vente fraysse puisse, un jour, nous livrer d'autres secrets...

 

Petite digression (8 juin) :

 

L'un de nos correspondants, visitant la salle des ventes Drouot ce jour, vient de nous lire le contenu d'un petit carton rapidement épinglé sur le velours du mur, près du tableau de la salle 4. Il expose, sous un autre nom, le contenu presque mot à mot de notre analyse publiée sur ce blog le 24 mai...

 

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