Atelier d'Hyacinthe Rigaud, portrait d'un militaire, v. 1710, collection particulière © d.r.

Atelier d'Hyacinthe Rigaud, portrait d'un militaire, v. 1710, collection particulière © d.r.

Une fois n'est pas coutume, c'est avec plusieurs copies et œuvres d'atelier que le nom de Rigaud a continué d'alimenter le marché de l'art ces derniers mois. L'une d'elles, proposée à Bâle le 2 avril dernier (lot 224) par la maison Artcurial, renvoyait directement à une plus vaste effigie dont elle ne reprenait que le buste et l'un des bras tendu.

Longtemps identifié comme le duc de La Vallière puis, plus récemment à Marc de Beauvau-Craon, la composition originale appartient à ces grandes toiles dont Rigaud s'était fait une spécialité. Connue par deux versions, l'une à l'hôtel de Lauzun à Paris et l'autre entrée en 2004 au musée Lorrain de Nancy, elle servait à magnifier le modèle. En armure, la taille ceinte d'une écharpe de commandement, la main posée sur un armet à panache, l'homme est disposé à mi-corps dans ce qui pourrait être tout à la fois un intérieur imaginaire que celui d'une tente militaire ouvrant sur un lointain combat.

Atelier d'Hyacinthe Rigaud, portrait d'un militaire, Paris, Hôtel de Lauzun et détails de la version en buste
Atelier d'Hyacinthe Rigaud, portrait d'un militaire, Paris, Hôtel de Lauzun et détails de la version en buste
Atelier d'Hyacinthe Rigaud, portrait d'un militaire, Paris, Hôtel de Lauzun et détails de la version en buste

Atelier d'Hyacinthe Rigaud, portrait d'un militaire, Paris, Hôtel de Lauzun et détails de la version en buste

Anciennement sur le marché de l'art parisien, la réduction en buste semble avoir été restaurée depuis et débarrassée de ses enfoncements. De belle qualité, aux carnations soignées, le visage pourrait avoir été de la main de Rigaud, ou du moins retouché par lui avant que l'un de ses aides ne se charge de la duplication de l'habillement. Estimé entre 5000 et 7000 euros, l'œuvre n'a cependant pas trouvé preneur.

Quelques jours plus tôt, le 29 mars, on notait chez Sequana à Rouen, une paire de portraits peints en pendant l'un de l'autre. Estampillés d'une simple École française du XVIIIe siècle, ces deux effigies d'un jeune couple, probablement saisis au moment de leur mariage, renvoyait pourtant aux dernières heures du siècle précédent et plus particulièrement au style de Gaspard Rigaud, frère d'Hyacinthe.

Gaspard Rigaud, portrait d'un couple, v. 1690-1700, collection particulière © d.r.

Gaspard Rigaud, portrait d'un couple, v. 1690-1700, collection particulière © d.r.

Si le corpus de cet artiste disparu prématurément, reste encore ténu, son univers, son vocabulaire pictural et les tournures de son pinceau se reconnaissent désormais rapidement. Ainsi, avec ses grands yeux ronds un peu figés bordés d'un long trait noir sur leur sommet, la jeune femme évoquait ses consoeurs déjà passées devant l'artiste. La coiffure à la Fontanges, la robe aux manches à l'antique, les moirés tout juste travaillés des velours... tout concourrait à l'intégrer au répertoire récurrent de Gaspard.

Gaspard Rigaud : à gauche le parquis de Rocheblave ; à droite le portrait d'homme anonyme © d.r.

Gaspard Rigaud : à gauche le parquis de Rocheblave ; à droite le portrait d'homme anonyme © d.r.

Le portrait de l'homme, avec sa perruque évasée des années 1695-1700, s'inspirait quant à lui plus directement des productions du frère aîné des Rigaud ou de celles de son élève et neveu, Jean Ranc. L'ordonnancement de la cravate par exemple, se retrouve souvent chez ce dernier tandis que le drapé, moins souple et et aux reflets moirés, semble vouloir imiter ceux plus spectaculaires des bustes masculins peints par Hyacinthe à la même époque. Nous sommes tout à fait ici dans l'esprit du portrait du marquis Rastel de Rocheblave publié par Ratouis de Limay. Estimées entre 400 et 600 euros, les portraits ont trouvé un nouvel propriétaire pour 3500 euros frais compris. Gageons qu'une restauration soigneuse saura donner aux deux œuvres leur éclat et fera peut-être découvrir la signature de Gaspard que l'on trouvait souvent au dos de ses toiles.

Atelier d'Hyacinthe Rigaud, portrait d'homme, v. 1733-1740. collection particulière © d.r.

Atelier d'Hyacinthe Rigaud, portrait d'homme, v. 1733-1740. collection particulière © d.r.

Le même jour, à l'hôtel des ventes de Monte-Carlo (lot 56), on revenait à Hyacinthe Rigaud avec le portrait « en petit » (31 x 24,5 cm) d'un homme anonyme dont on ne connaissait jusqu'ici qu'une très belle version quoiqu'un peu raide, issue de l'atelier de l'artiste. Décrit comme une simple « école française vers 1700 », la toile monégasque estimée à 600/800 euros fut rapidement adjugée à 1800 euros au marteau.

Intéressante à bien des égards, elle témoigne du succès de la posture, inventée par l'artiste pour les dernières œuvres de sa carrière, à une époque où il habilla de nombreux financiers avec le grand drapé enveloppant, sorte de « coussin » de velours sur lequel ils semblaient flotter. Laurent Mazade, Antoine Rousseau, Dupleix de Bacquencourt, Bence de Guénébault ou encore Chaspoux de Verneuil pour ne citer qu'eux, furent de ceux qui, nombreux, bénéficièrent de cette mise entre 1730 et 1743. Qu'elle dévoile parfois un coude ou, qu'elle couvre totalement le buste, l'attitude pouvait légèrement varier. Dans le cas de notre anonyme, la variation suivait celle proposée à l'introducteur des ambassadeurs Chaspoux dont l'identité, d'ailleurs, a faussement été donnée à une miniature qui sera dispersée à Zofingen en Suisse le 6 juin prochain (lot 2666).

Hyacinthe Rigaud, portrait d'un homme. Aquarelle et gouache sur parchemin. v. 1733-1740 © d.r.

Hyacinthe Rigaud, portrait d'un homme. Aquarelle et gouache sur parchemin. v. 1733-1740 © d.r.

On reconnaissait en effet sans discourir le visage de l'anonyme de la vente de Monte-Carlo mais, ici, dans son habillement abouti. Car la petite version peinte avait opté pour une veste de simple soie brune alors qu'elle deviendra, au final, de brocard d'or à motif floraux et d'entrelacs. La fine dentelle de la chemise, elle aussi, laissait place ici à une simple cotonnade tandis que la couleur du grand drapé, plus sombre, n'avait pas encore ce bleu lapis éclatant de la composition définitive. 

Alors, modello ? Sujet d'étude ? Premières idées jetées sur la toile par Rigaud ? Difficile de trancher tant les supports sont nombreux chez l'artiste et aux destinations complexes. On se gardera donc bien de se prononcer même si l'exécution de cette petite toile semble de bien meilleure facture que bien d'autres petits formats, un peu trop lestement attribués au maître et, malheureusement, largement surestimés... 

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