Hyacinthe Rigaud (?) et atelier, portrait de jeune militaire, v. 1700, collection particulière © d.r.

Hyacinthe Rigaud (?) et atelier, portrait de jeune militaire, v. 1700, collection particulière © d.r.

Une fois n'est pas coutume, c'est par la réapparition d'un dessin jusqu'ici inédit, vendu par la maison Magnin Wedry le 17 décembre prochain (lot. 9, H. 32 ; L. 25 cm) que l'on redécouvre une posture qui l'était tout autant, et qui fit indéniablement recette dans l'atelier d'Hyacinthe Rigaud entre la fin du XVIIe et la première moitié du XVIIIe siècle. Avec de menues variantes dans la position du bras, dans le style de l'armure ou celui de la perruque, on retrouvera en effet longtemps au sein de son catalogue, ces hommes de guerre au visage tourné vers le spectateur, le torse et bras tendus vers l'extérieur de la composition. Dans un ovale — dont une partie est mise au carreau en prévision, peut-être, d'une gravure ou d'une réplique peinte — le présent modèle (assurément un jeune adolescent) pose ainsi dans la plus pure des traditions martiales.

À gauche : Hyacinthe Rigaud et atelier, portrait d'un militaire. v. 1690. Collection particulière © d.r. / À droite : Atelier d'Hyacinthe Rigaud, répertoire d'attitudes. v. 1690-1700. Collection particulière © d.r.

À gauche : Hyacinthe Rigaud et atelier, portrait d'un militaire. v. 1690. Collection particulière © d.r. / À droite : Atelier d'Hyacinthe Rigaud, répertoire d'attitudes. v. 1690-1700. Collection particulière © d.r.

À n'en pas douter, le vocabulaire renvoie aux premiers prototypes du genre, hérités de ces fameux « militaires brandissant un bâton de commandement » apparus chez Rigaud dès 1690 et, dès lors, multipliés à l'envi avec le choix de la formule, en 1697, par le fils de Louis XIV en personne.

Tous les Grands ayant servi sous lui lors des guerres de la Ligue d'Augsbourg l'adoptèrent également et firent, de fait, la renommé du créateur du portrait. Un petit répertoire d'attitudes, destiné à garder le souvenir dans l'atelier des formules les plus demandées, montre ainsi d'où pouvait provenir celle utilisée dans le dessin qui sera vendu prochainement. 

À gauche : Hyacinthe Rigaud, portrait de militaire, v. 1700-1702. Collection particulière © Tajan / À droite : Hyacinthe Rigaud, portrait de jeune homme, v. 1690. Collection particulière © photo Stéphan Perreau

À gauche : Hyacinthe Rigaud, portrait de militaire, v. 1700-1702. Collection particulière © Tajan / À droite : Hyacinthe Rigaud, portrait de jeune homme, v. 1690. Collection particulière © photo Stéphan Perreau

Les plus proches seront sans doute les portraits du comte de Ross (1696), du prince de Saxe Gotha (1700), d'un militaire anonyme (voir ci-dessus), des duc de Brünswick-Berven (1702), de Croÿ et de Bouillon, ces derniers peints en 1703. La posture sera usitée jusque dans les années 1710 — quoique extrapolée en pied —, avec les effigies du comte de Bielke ou celui d'un anonyme.

Elle eut par ailleurs des équivalents dans la clientèle civile du peintre, comme le montre de manière assez nette le portrait du jeune inconnu au grand manteau bleu que nous avions redécouvert dans une collection particulière du sud de la France et qui, jusqu'alors, était attribué à Nicolas de Largillierre (ci-dessus à droite).

Hyacinthe Rigaud (?) et atelier, portrait de jeune militaire, v. 1700, collection particulière © d.r.

Hyacinthe Rigaud (?) et atelier, portrait de jeune militaire, v. 1700, collection particulière © d.r.

Malgré une pliure transversale et quelques accidents, la fraîcheur de la feuille séduit d'emblée : la joliesse du visage du modèle, la tendresse de ses yeux légèrement tombants, la rondeur juvénile de la mâchoire et la suavité du dessin de cette bouche charnue, telle un bonbon, n'y sont sans doute pas étranger.

Si la précision du rendu psychologique invite à y voir à cet endroit précis la main même du maître — en opposition à l'aspect quelque peu retenu de l'habillement —, il convient toutefois de rester prudent sur le statut de cette pièce. Dans un processus de création que l'on sait avoir été toujours complexe chez Rigaud — ainsi que le rappelait en 2000 les commissaires de l'exposition Hyacinthe Rigaud dessinateur —, toute la difficulté est ainsi de pouvoir, encore aujourd'hui, mesurer la part de l'intervention du maître dans la quasi totalité des dessins qu'il commanda à ses aides d'atelier. Pour certains d'entre eux, Rigaud attendait un si haut degré de mimétisme dans leur manière de reproduire ses compositions, que nombre d'œuvres graphiques (ou peintes) ne laissent pas de troubler nos amateurs contemporains les plus éclairés. 

Comme l'avouaient très justement les mêmes commissaires, « autant dire que la main du maitre est potentiellement décelable sur tous les dessins produits dans son entourage immédiat, dans des proportions toutefois variables. De ce plus ou de ce moins, dont l'appréciation est donc grandement subjective, dépendra finalement l'authenticité des feuilles de Rigaud. [...] Leur caractère extraordinairement pictural [...] laisse une place plus que réduite à cette spontanéité par laquelle peuvent s'exprimer les marques propres de sa personnalité [...]. De cela il résulte que n'importe quel habile dessinateur, rompu à l'exercice de ce vocabulaire graphique, pourra s'approcher de très près des effets de Rigaud et réaliser des feuilles dont on aura le plus grand mal à reconnaître l'auteur ». 

Pour autant, et si le débat est donc encore loin d'être clos, il ne faut pas bouder le plaisir d'admirer la volubilité émanant de ce jeune et beau militaire, témoin une fois de plus du génie de Rigaud dans la mise en valeur de ses différents modèles.

 

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