Hyacinthe Rigaud, Autoportrait (détail), v. 1680. Collection particulière © Christie's Ltd.

Hyacinthe Rigaud, Autoportrait (détail), v. 1680. Collection particulière © Christie's Ltd.

Dans le flot ininterrompu des ventes courantes qui charrie son lot de répliques, copies d'après ou inspirées de Rigaud, quelques toiles de grand intérêt réapparaissent, pour le plus grand plaisir de l'amateur comme pour celui du spécialiste.

Une fois n'est pas coutume, c'est la maison Christie's qui proposera prochainement à la vente, deux toiles du maître, dont la grande qualité illustre à merveille deux aspects significatifs de l'art d'Hyacinthe Rigaud. Peint au tout début de sa carrière parisienne, vers 1680-1681 (voire même peut-être antérieurement, lors de son séjour lyonnais), le premier autoportrait connu de l'artiste, à peine âgé d'une vingtaine d'années, est attendu le 5 juillet prochain à Londres, avec une certaine impatience par les historiens de l'art. L'image n'était en effet connue que par une illustration en noir et blanc, datant des années 20, qui nous privait d'admirer ces extraordinaires couleurs dont Rigaud aima à parer nombre de ses productions. 

Hyacinthe Rigaud, Autoportrait, v. 1680. Collection particulière © Christie's Ltd.

Hyacinthe Rigaud, Autoportrait, v. 1680. Collection particulière © Christie's Ltd.

Sur un fond neutre, sans décor ni superflu, l'artiste se représente de face, simplement vêtu d'un ample manteau de velours bleu doublé de soie de teinte voisine, dans laquelle transparaît encore la préparation rouge sous-jacente, électrisant la palette à la façon des colori cangianti. La mise en forme des différents éléments, entre la dentelle du col et la prééminence de la veste au décor d'entrelacs, est encore simple et peut paraître manquer de profondeur, se contentant de juxtaposer les matières. Pourtant, le génie de l'artiste est déjà bel et bien présent, tout emprunt d'élégance.

Hyacinthe Rigaud, Autoportrait (détail), v. 1680. Collection particulière © Christie's Ltd.

Hyacinthe Rigaud, Autoportrait (détail), v. 1680. Collection particulière © Christie's Ltd.

Hyacinthe Rigaud, Autoportrait (détail), v. 1680. Collection particulière © Christie's Ltd.

Hyacinthe Rigaud, Autoportrait (détail), v. 1680. Collection particulière © Christie's Ltd.

Portant un grand soin aux effets de matière, à l'aide d'ombres tranchées mais subtiles et de larges empâtements, Rigaud soigne déjà l'expression comme on le verra dans ses futurs autoportraits, de la petite miniature de l'ancienne collection Calman Lévy à l'autoportrait des Offices, en passant par celui dit « au manteau bleu ». En voyant le jeune portraitiste ainsi à l'étude de lui-même, on serait presque tenté de percevoir dans le reflet de son miroir un élégant mélange de candeur et de fierté, sorte de préambule à la formidable carrière qui l'attendait dans la capitale.

Hyacinthe Rigaud, portrait d'homme, v. 1710. Perpignan, musée Rigaud © photo Christie's Ltd

Hyacinthe Rigaud, portrait d'homme, v. 1710. Perpignan, musée Rigaud © photo Christie's Ltd

Quelques jours plus tôt, le 25 juin à Paris, la même maison de vente proposera sous le lot 28, un portrait d'homme à l'identité restée anonyme et qui illustre une fois de plus le formidable succès d'une posture tout à fait particulière dans le catalogue de l'artiste. Figuré le buste tourné vers l'extérieur de la composition, la tête tournée vers le spectateur, le modèle arbore un ample manteau de velours doublé d'un extraordinaire brocard d'or, habilement mis en valeur par un « retroussé » dans le bas de la composition et le haut de l'épaule.  

Hyacinthe Rigaud, portrait d'homme (détail), v. 1710. Perpignan, musée Rigaud © photo Christie's Ltd

Hyacinthe Rigaud, portrait d'homme (détail), v. 1710. Perpignan, musée Rigaud © photo Christie's Ltd

Tout en veillant à soigner la vérité des carnations, la profondeur des chairs et le vrai de la physionomie (grâce notamment à cette petite humeur blanche aux coins des yeux), Rigaud duplique ici une attitude éprouvée tout au long des années 1710-1720, sorte de variante d'autres effigies de gentilshommes, élaborées dès 1705-1709.

Que ce soient le conseiller Scott de La Mésangère (1712), l'homme âgé de la Dulwich Galery (v. 1710), le présumé marquis de La Martinière (v. 1710), le célèbre Guillaume Castanier (1718) ou le probable Baudé du Val (1722), toutes se partagent sans vergogne la même ordonnance propre à valoriser leur statut, leur égo ou leur richesse. 

Hyacinthe Rigaud et (ou) atelier, portrait de Charles François de Hallencourt de Dromesnil, évêque de Verdun, 1711 © Collin du Boccage

Hyacinthe Rigaud et (ou) atelier, portrait de Charles François de Hallencourt de Dromesnil, évêque de Verdun, 1711 © Collin du Boccage

Alors que l'on attend avec impatience la restauration de l'original du portrait du conseiller d'Etat d'Armenonville, peint en 1709, et que d'autres inédits, s'apprêtent ressortir à la faveur de réattributions, on mentionnera la remise sur le marché du portrait du successeur d'Hippolyte de Béthune à l'évêché de Verdun, Charles François de Hallencourt de Dromesnil. Sans doute moins spectaculaire que les tableaux vendus chez Christie's, l'effigie de l'ecclésiastique n'en est pas moins illustratrice du partenariat qui s'était instauré entre le maître et ses aides d'ateliers. On sait en effet que Hyacinthe Rigaud n'avait réalisé que le visage du prélat, laissant à son collaborateur Le Comte le soin de dupliquer l'habillement d'après un autre item.

Le tableau proposé par la maison Collin du Bocage le 21 juin prochain sous le lot 58 est, pour le moment, la meilleure des versions connues de ce portrait que nous avions ré-identifié en 2009 alors qu'il était passé anonymement dans une vente non cataloguée à l'hôtel Drouot. Seule une restauration soigneuse pourra éventuellement confirmer l'attribution d'une partie de l'œuvre à la main du maître.

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