Hyacinthe Rigaud, portrait d'homme, v. 1701. © courtesy of Toovey's antiques

Hyacinthe Rigaud, portrait d'homme, v. 1701. © courtesy of Toovey's antiques

Lorsqu'un beau Rigaud paraît, simple, solaire et vrai, on mesure à quel point combien peuvent être pâles les copies produites par certains aides de l'atelier du maître, bien souvent en dehors du contrôle de celui-ci.

 

Dans le cas présent, le gentilhomme que s'apprête à vendre la maison Toovey's antiques, ce 5 septembre 2018, sous le lot 88, résume à lui seul tout ce qui fait l'art le plus absolu du portraitiste catalan.

Hyacinthe Rigaud, portrait d'homme, v. 1701 (détail). © courtesy of Toovey's antiques

Hyacinthe Rigaud, portrait d'homme, v. 1701 (détail). © courtesy of Toovey's antiques

 

Ici point de pinceau scolaire mais une infinie rondeur dans le travail des chairs, une maitrise totale de la correction du dessin. Des reprises délicates des boucles de la perruque aux hautes cheminées, typique de ce premier quart du XVIIIe siècle, jusqu'au réalisme si intime de l'humeur blanche au coin des yeux, simplement matérialisée par un soupçon de matière appliquée par la pointe d'un pinceau.

 

Ce geste, si anodin, aura beau être reproduit par les aides d'ateliers dans leurs copies parfois raides, il prend ici toute sa dimension et donne la vie. L'épiderme à lui seul « parle le Rigaud », avec ses larges empâtements, sans cesse retravaillés pour créer le fruité de la peau, passant des bruns aux roses, des gris aux bleus ; toute la palette de la nature saisie dans l’instant. Les rehauts de blanc, destinés à figurer la lumière, glissent dans cette matière, à l'exemple de celui illuminant de haut en bas, l'arrête du nez.

Hyacinthe Rigaud, portrait d'homme, v. 1701. © courtesy of Toovey's antiques

Hyacinthe Rigaud, portrait d'homme, v. 1701. © courtesy of Toovey's antiques

Si malheureusement le modèle est anonyme, on restera captivé par sa présence rayonnante, comme un écho aux petits formats dont Rigaud s’était fait la spécialité (ici 51 x 40,5 cm). Point de décorum, un cadrage serré au maximum, concentrant le regard sur l'essentiel de l’âme humaine : le visage.

Hyacinthe Rigaud et atelier, portrait du comte de Zinsendof-Neuburg, 1701. © Stéphan Perreau

Hyacinthe Rigaud et atelier, portrait du comte de Zinsendof-Neuburg, 1701. © Stéphan Perreau

 

La vêture n'est d'ailleurs que pur remplissage : un simple manteau discrètement galonné, dont le col ouvert montre une dentelle fine. C’est là l’un des éléments qui permettraient éventuellement de mieux dater l’œuvre. On retrouve, en effet, le même ordonnancement de la draperie (du moins la partie haute) dans le premier portrait du comte de Sinzendorf-Neuburg, peint en 1701, avec ce grand pan d’étoffe qui part de gauche à droite. La forme chantournée du col est également similaire, même si chez l’ambassadeur la cravate est traitée avec une dentelle toute différente. Un autre modèle, non identifié et anciennement dans la collection du prince Sobieski, partage avec notre anonyme et le comte, le même habillement. 

Hyacinthe Rigaud, portrait d'homme / Nicolas de Largillierre, portrait de femme © courtesy of Galerie Aaron

Hyacinthe Rigaud, portrait d'homme / Nicolas de Largillierre, portrait de femme © courtesy of Galerie Aaron

Nul doute qu’une restauration saura nous en dire plus sur ce bel autographe vendu par Toovey’s, comme provenant de la collection du marchand et collectionneur Claude Dickason Rotch (1878-1961), qui contribua par ses legs à l'enrichissement du Victoria and Albert Museum de Londres, de la National Gallery et du Trinity Hall. Comme l’atteste une étiquette collée au dos, sur le châssis, Dickason Rotch avait acquit le petit Rigaud avant 1961, chez Colnaghi à Londres. Le tableau passera ensuite chez les Rothschild.

Etiquette de collections apposée au dos du portrait d'homme de la maison Toovey's antiques

Etiquette de collections apposée au dos du portrait d'homme de la maison Toovey's antiques

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