Adrien Leprieur, portrait de femme, 1711. Coll. priv. © droits réservés Stéphan Perreau

Adrien Leprieur, portrait de femme, 1711. Coll. priv. © droits réservés Stéphan Perreau

Dans leur zèle à tirer les meilleures leçons de leur apprentissage auprès de leur professeur, certains aides de l’atelier d’Hyacinthe Rigaud réussirent mieux que d’autres, allant jusqu’à le singer de manière extrême dans leurs propres productions. C’est le cas, nous l’avons vu, d’Adrien Leprieur (v. 1671-1732) qui fit commerce en toute transparence d’attitudes créées par le Catalan.

A gauche : Adrien Leprieur, portrait présumé de Madame Chardon des Roys, 1715 (?). Coll. priv. © droits réservés Stéphan Perreau / A droite : Hyacinthe Rigaud, portrait de femme, v. 1720-1743. Coll. priv., coll. priv. © droits réservés

A gauche : Adrien Leprieur, portrait présumé de Madame Chardon des Roys, 1715 (?). Coll. priv. © droits réservés Stéphan Perreau / A droite : Hyacinthe Rigaud, portrait de femme, v. 1720-1743. Coll. priv., coll. priv. © droits réservés

Son effigie présumée de Mademoiselle Chardon des Roys copiait ainsi déjà au détail « presque près » le portrait de la marquise de Sourches ou celui d’une jeune femme dont l’habillement répété avait, lui aussi, été repris tardivement dans le siècle par son propre inventeur. La réapparition, ou du moins, la ré-authentification d’un portrait attesté de la main de Leprieur est donc toujours d’un grand intérêt, d’autant plus qu’elle témoigne une fois de plus du profond mimétisme dont fit preuve le peintre.

Adrien Leprieur, portrait de femme, 1711. Coll. priv.(détail de la signature) © droits réservés Stéphan Perreau

Adrien Leprieur, portrait de femme, 1711. Coll. priv.(détail de la signature) © droits réservés Stéphan Perreau

 

Signé au dos « A. Leprieur 1711 », ce portrait de jeune femme ne déroge pas à la règle, ayant été d’ailleurs attribué longtemps au pinceau d’un suiveur de Nicolas de Largillierre, sans doute à cause de l’aspect volubile des drapés. Proposé sous ce vocable lors de deux ventes publiques, le 11 avril 1999 à Versailles (lot 39) puis le 26 septembre 2003 à Drouot (lot 115)[1], il possédait en réalité tous les indices d’une production d’Hyacinthe Rigaud. L’attitude était en effet assez familière, employée une fois encore pour plusieurs portraits comme dans celui d’une élégante (passée un temps pour représenter Madame de La Jonchère) ou, surtout, celui d’une jeune femme toute de fraîcheur, conservé aujourd’hui dans une collection particulière Bruxelloise.

A gauche : Adrien Leprieur, portrait de femme, 1711. Coll. priv. © droits réservés Stéphan Perreau / A droite : Hyacinthe Rigaud, portrait de femme, v. 1700. Bruxelles, coll. priv. © droits réservés Stéphan Perreau

A gauche : Adrien Leprieur, portrait de femme, 1711. Coll. priv. © droits réservés Stéphan Perreau / A droite : Hyacinthe Rigaud, portrait de femme, v. 1700. Bruxelles, coll. priv. © droits réservés Stéphan Perreau

Optant pour des teintes franchement électriques, propres à sublimer la grande pièce d’étoffe ornant le buste du modèle, Leprieur reprend à la perfection la moindre inflexion des plis de l’étoffe ordonnée par Rigaud, reproduit la moindre perle, le moindre ruban. Tout juste s’autorise-t-il à actualiser la coiffure, à changer une dentelle du corsage ou à varier le décor de brocard de la robe. En l’absence d’une signature au dos, l’historien aurait été bien en peine de refuser au portrait une place dans le catalogue des œuvres de Rigaud, ce que nous avions d’ailleurs fait initialement, tout en subodorant une possible œuvre de collaboration[2]. Cependant, le doute avait rapidement pris le dessus à l’examen, en 2016, d’une image de meilleure qualité qui trahissait des yeux anormalement en amande et une facture légèrement moins précise dans la touche que Rigaud, indices bien plus caractéristiques de l’art de Leprieur[3].

 

On mesure à regarder ces toiles, combien l’œil peut encore être parfois trompé par le métier de certains peintres qui, s’ils n’eurent pas tous le réflexe de la copie conforme, s’inspirèrent largement des prototypes éculés de leur maître. On imagine que Leprieur, toujours, n’a peut-être pas hésité à emprunter au cardinal Dubois une posture dans laquelle il installa son Leblanc. C’est peut-être lui aussi, ou l’un de ses acolytes (Claude Bailleul ?), qui fut séduit par la hauteur de ton du marquis de Goussainville dont la pose grandiloquente se retrouve dans son effigie dite de « Monsieur Larcher », passée en vente chez Daguerre en 2010, et qui cherche encore son véritable auteur…

 

 

A gauche : Adrien Leprieur, portrait de Claude Leblanc, intendant de Dunkerque, v. 1728. Coll. priv. © droits réservés Stéphan Perreau / A droite : Hyacinthe Rigaud, portrait du cardinal Dubois, 1723. Cleveland, museum of Art © droits réservés

A gauche : Adrien Leprieur, portrait de Claude Leblanc, intendant de Dunkerque, v. 1728. Coll. priv. © droits réservés Stéphan Perreau / A droite : Hyacinthe Rigaud, portrait du cardinal Dubois, 1723. Cleveland, museum of Art © droits réservés

A gauche : Anonyme (Claude Bailleul ?), portrait dit de Monsieur Larcher. Coll. priv. © Daguerre svv / A droite : Hyacinthe Rigaud, portrait du marquis de Goussainville, 1713. Coll. priv. © droits réservés

A gauche : Anonyme (Claude Bailleul ?), portrait dit de Monsieur Larcher. Coll. priv. © Daguerre svv / A droite : Hyacinthe Rigaud, portrait du marquis de Goussainville, 1713. Coll. priv. © droits réservés

 


[1] Nous remercions vivement le propriétaire actuel de l’œuvre qui a très aimablement pris contact avec nous pour nous donner les clichés du tableau et nous informer de la présence de la signature au dos.

[2] Perreau, 2013, cat PC.1329 (Rigaud et atelier) ; James-Sarazin, 2016, cat. P.1130, p. 375 (Rigaud).

[3] Perreau, « Adrien Leprieur, ami et bras droit d’Hyacinthe Rigaud », 20 juillet 2015, http://hyacinthe-rigaud.over-blog.com/2015/07/adrien-leprieur-ami-et-bras-droit-d-hyacinthe-rigaud.html

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