Hyacinthe Rigaud, portrait de Mademoiselle de Fleury (détail), 1715. Paris, coll. part © Stephan Perreau

Hyacinthe Rigaud, portrait de Mademoiselle de Fleury (détail), 1715. Paris, coll. part © Stephan Perreau

« Le Dauphin a de la comédienne une bâtarde qu’il n’a pas reconnue. C’est maintenant une fille de dix-sept ou dix-huit ans, belle comme un ange de corps et de visage [...]. Elle se fait appeler Mlle de Fleury, parce qu’il y a dans le parc de Meudon un village qui porte ce nom. Dieu sait ce qu’elle deviendra ! ».

 

C'est par ces mots que la princesse Palatine évoquait l'existence de la « belle Fleury », née des amours du fils de Louis XIV et de la comédienne Françoise Pitel de Longchamp dite Fanchon (1662-1721). Anne-Louise Pitel, dite « Mademoiselle de Fleury » naquit ainsi vers 1694, soit un an après que sa mère ait perdu son époux. Demi-sœur de Charlotte de Fleury laquelle se maria en 1707 à Monsieur de La Jonchère  (peints respectivement par Rigaud en 1719 et 1721), elle fut destinée à la mort de son géniteur, en 1711, à l'état de religieuse et fut élevée chez les filles de Sainte-Marie de Chaillot.

 

La duchesse de Bourgogne, apprenant que cette vocation était forcée, s’y opposa, lui donna une dot, et la maria le 15 juin 1715 au Pin, près de l'abbaye de Chelles, à Antoine-Erard de Bellouan (1671-18 décembre 1755), baron d'Avaugour, seigneur du Bois et de La Mothe-de-Thouaré, sous-lieutenant des Gendarmes du Dauphin, brigadier de cavalerie en 1717.

 

Mademoiselle de Fleury n'eut pas le temps de marquer son époque comme en témoigne le marquis de Dangeau dans ses mémoires : « Madame d'Avaucourt, fille de la Raisin, et qu'on soupçonnoit fille d'un très-grand seigneur qui ne l'avoit pas reconnue, étoit partie de Bretagne par la peur de la petite vérole, que beaucoup de gens avoient dans son voisinage, est tombée malade auprès de Tours, et de la petite vérole ; elle y est morte. Elle étoit grosse de sept à huit mois ; on l'a ouverte aussitôt après sa mort, et son enfant a eu baptême. »
 

Hyacinthe Rigaud, portrait de Mademoiselle de Fleury, 1715. Paris, coll. part © Stephan Perreau

Hyacinthe Rigaud, portrait de Mademoiselle de Fleury, 1715. Paris, coll. part © Stephan Perreau

C'est à l'occasion de son mariage que Mademoiselle Fleury passa chez Rigaud pour un portrait en buste dont l'attitude flattait la modèle et avait fait recette. On connaissait jusqu'ici une première version de cette superbe effigie, datée et signée par l'artiste et conservée en Suisse, dont nous décrivons la genèse sur notre catalogue en ligne. La réapparition d'une seconde toile, parfaitement autographe et en tout point identique à sa jumelle, est une véritable redécouverte. Absente des comptes officiels de Rigaud, elle atteste du succès de la pose et fut probablement commandée de manière posthume : le modèle décédant de manière précoce en 1716 et l'aide d'atelier Sevin de La Penaye travaillant encore en 1717 sur l'original (à moins qu'il ne s'agisse d'un travail sur cette seconde version). Cependant, la qualité des carnations et le moelleux des traits empêchent de voir dans le visage le pinceau de l'aide d'atelier.

 

Le teint frais, la bouche toute de corail, les pupilles faites de deux bleus translucides agrémentés de cils blonds, un léger trait de blanc sur le bord inférieur des paupières, la jeune femme regarde le spectateur avec un certain air mutin qui n'est pas sans rappeler la belle inconnue du musée de Besançon avec laquelle elle partage certains éléments de la vêture, du cabochon serti de perles à l'agencement du décolleté

Hyacinthe Rigaud, portrait de femme. Besançon, musée des Beaux arts © musée de Besançon

Hyacinthe Rigaud, portrait de femme. Besançon, musée des Beaux arts © musée de Besançon

Quant au positionnement, devant un entablement de pierre, il se retrouve dans plusieurs autres compositions, notamment dans le portrait de Marguerite-Henriette de La Briffe, peint dès 1712.

 

Le modèle y est présenté sans les mains, devant le même rebord sur lequel vient se déposer le grand drapé entourant les épaules de la jeune femme. L’agencement de la coiffure, décorée de fleurs d’oranger, atteste à l'identique un mariage récent. Apportant quelques variantes à ces précédents modèles, Rigaud représente sa cliente face au spectateur, la tête légèrement inclinée.

 

Hyacinthe Rigaud, portrait de Marguerite-Henriette de La Briffe, 1712. Localisation actuelle inconnue © d.r.

Hyacinthe Rigaud, portrait de Marguerite-Henriette de La Briffe, 1712. Localisation actuelle inconnue © d.r.

Le beau manteau bleu roi fait aisément ressortir les carnations que rehausse l’œillet rouge glissé dans le creux du corsage. Le brocart de la robe, tout à fait spectaculaire, renvoie également à plusieurs autres effigies, tard dans le siècle à l'instar du portrait de femme inconnue conservé au Fuji art museum de Tokyo.

Hyacinthe Rigaud, portrait d'une inconnue, v. 1730-1735. Tokyo, Fuji art museum © TFAM

Hyacinthe Rigaud, portrait d'une inconnue, v. 1730-1735. Tokyo, Fuji art museum © TFAM

Hyacinthe Rigaud, portrait de Mademoiselle de Fleury (détail), 1715. Paris, coll. part © Stephan Perreau

Hyacinthe Rigaud, portrait de Mademoiselle de Fleury (détail), 1715. Paris, coll. part © Stephan Perreau

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