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Hyacinthe Collin de Vermont par Alexander Roslin (détail) - Versailles © Stéphan Perreau

 

Hyacinthe Collin de Vermont (1693-1761), fils de Nicolas Collin, ordinaire de la musique du roy et de Jeanne Collet, fut le filleul de Hyacinthe Rigaud et le légataire d'une grande partie de ses œuvres. La vente de sa propre collection, en 1761, donna lieu à un catalogue resté célèbre par son goût mais aussi comme documentation sur la propre collection de Rigaud.

 

Les liens entre le Catalan et Nicolas Collin étaient suffisamment forts pour que Rigaud accepte de paraîner le futur peintre. On voit encore sa signature au bas de l'acte qui marqua la cérémonie, célébrée en l'église Notre Dame de Versailles, le 21 janvier 1693 :

 

« Hyacinthe fils de Nicolas Collin, ordinaire de la musique du roy et de Jeanne Colet, sa femme, est né le dixneufième jour de janvier de l’année mil ssix cent quatre vingt traize et a esté baptizé le vingtunième de même mois et an que dessus par moy soussigné, pretre de la congrégation de la mission, faisant les fonctions curiales en cette paroisse, le parain a esté hyacinthe Rigaud, peintre ordinaire du roy et la maraine Marguerite Collet, femme de Michel Le prince, concierge des grandes écuries qui ont signez. ».

 

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Acte de baptême de Hyacinthe Collin de Vermont - Archives départementales des Yvelines, registres paroissiaux de l’église Notre Dame de Versailles, 1080399, fol. 115 © ADY

 

Mais on doit aussi à Collin de Vermont une nécrologie de son parrain, parue dans le Mercure de France de novembre 1744 (2° volume), intitulé « Essay sur la vie et les ouvrages de Monsieur Rigaud par Monsieur Colin de Vermont, peintre ordinaire du Roy et professeur en son Académie Royale de Peinture, publié après la mort de Rigaud » :

 

« Monsieur Rigaud était un de ces hommes rares que le ciel faît naître pour servir de guide et de modèle aux artistes ; il reçut en naissant un tempérament assés fort pour soutenir les fatigues d’une longue et constante étude de la nature, qu’il se fit toute sa vie une loi inviolable d’imiter ; mais s’il a scu la rendre parfaitement, ce n’a pas été en la copiant servilement dans ses ouvrages et telle quelle se présente souvent, mais par un choix exquis qu’il en a fait ; il connaissait la grande distance qu’il y a du beau à l’excellent ; on l’a vu plus d’une fois effacer des choses qui lui avaient coûté plusieurs jours de travail et qui plaisaient aux plus habiles, pour se contenter lui-même et parvenir à cet excellent qu’il s’était proposé ; un génie supérieur né pour la peinture du premier ordre, comme Raphaël, Titien, Rubens, Vandick et les autres.

 

Monsieur Rigaud s’était destiné pour l’histoire et il y serait sans doute parvenu au plus haut degré ; il est aisé d’en juger par le progrès rapide qu’il fit dans ses études à l’Académie Royale ; il en remporta tous les prix avec beaucoup de distinction par un tableau du crucifiment, que j’ai entre les mains, sur lequel il fut reçu comme historien, quoi qu’il ne soit qu’à moitié composé ; et surtout par le précieux tableau de la présentation qu’il a terminé vers la fin de sa vie ; mais le talent et la grande réputation qu’il eut dès sa jeunesse par la parfaite et belle ressemblance dans les portraits, augmentant tous les jours dans Paris, il fut bientôt surchargé d’occupations et fut obligé d’abandonner l’histoire, sans avoir pu la reprendre que pour faire par intervalle le dernier tableau dont je viens de parler.

 

Il prit pour son modèle dans le portrait le fameux Vandick dont le beau pinceau le charma toujours et dans les premiers qu’il a faits on y voit cette belle exécution et cette fraîcheur de carnation, qui ne viennent que d’un pinceau libre et facile ; il s’attacha dans la suite à finir soigneusement tout ce qu’il peignait ; mais son travail ne sent pas la peine et, quoiqu’il tourne tout avec amour, on y voit toujours une belle façon de peindre et une manière aisée ; il a joint à l’aimable naïveté et à la belle simplicité de Vandick une noblesse dans ses attitudes et un contraste gracieux qui lui ont été particuliers.

 

Il a pour ainsi dire amplifié et étendu les draperies de ce célèbre peintre et répandu dans ses compositions cette grandeur et cette magnificence qui caractérisent la majesté des rois et la dignité des grands dont il a été le peintre par prédilection ; personne n’a poussé plus loin que lui l’imitation de la nature dans la couleur locale et la touche des étoffes, particulièrement des velours ; personne n’a su jeter les draperies plus noblement et d’un plus beau choix.

 

Il a trouvé le premier l’art de les faire paraître d’un morceau par la liaison des plis, ayant remarqué même dans les grands maîtres des draperies qui semblaient de plusieurs parties par ce défaut de liaison que la gravure fait mieux sentir que le tableau, parce qu’elle est dénuée de couleur.

 

Il était l’ennemi de cette simplicité pauvre et mesquine qui n’est pas celle de Vandick et jusques aux moindres choses il les ennoblissait et leur donnait de la grâce. Ila porté au plus haut degré cette partie si considérable dans les tableaux où si peu de peintres excellent et où les connaisseurs fixent d’abord leur attention, je veux dire les mains qu’il a peintes d’une beauté et d’une correction parfaites.

 

Ses ouvrages ont cela de remarquable qu’ils plaisent également de loin comme de près, parce que le beau fini n’en ôte pas l’effet. Si dans quelqu’uns de ses dernier portraits on ne trouve pas toute la fermeté dans le pinceau et la vérité des teintes dans les carnations qu’on a toujours vu dans ses autres ouvrages, c’est qu’à la fin les yeux s’affaiblissaient ; eh ! quel est le peintre à quatre vingt et tant d’années qui se soit plus maintenu dans la correction et la pureté du dessin ? pour les draperies, l’expérience et les réflexions continuelles les lui ont fait composer encore plus savamment et d’un plus grand goût que les premiers et j’ose avancer que dans cette partie de la Peinture (j’entens par rapport aux portraits) il a surpassé tous ceux qui l’ont précédé.

 

On voit qu’il se plaignait dans ses ouvrages ; comme il avait l’âme grande et les sentiments élevés, et que toute sa personne et ses manières avaient un air de distinction, de même ses tableaux portent un caractère de noblesse qui leur est propre.

 

Si les plus fameux graveurs de son temps ont rendu son nom et les leurs immortels par leurs belles estampes, on peut dire qu’ils lui doivent la meilleure partie de leur gloire en ce qu’ils ont trouvé des originaux où ils n’ont rien eu à deviner et où tout était rendu avec la dernière précision.

 

Un mérite si extraordinaire a fait sans contredit de Monsieur Rigaud un des plus grands peintres que nous ayons eu et ses qualités personnelles l’ont fait chérir de toutes les honnêtes gens. Il avait le cœur admirable, il était époux tendre, ami sincère, utile, essentiel, d’une générosité peu commune, d’une piété exemplaire, d’une conversation agréable et instructive ; il gagnait à être connu et, plus on le pratiquait, plus on trouvait son commerce agréable ; enfin, un homme qui avait su joindre à un si haut degré de perfection dans son art une probité si reconnue, méritait bien pendant sa vie les distinctions et les honneurs dont la Cour et toute l’Europe l’ont comblé et, après sa mort, les regrets de toutes les personnes vertueuses et la vénération que les artistes auront toujours pour sa mémoire.

 

Il était né le 25 juillet 1663 [erreur de Collin comme Hulst qui disait tenir la date de Rigaud lui-même] et est mort à Paris le 19 décembre 1743. »

 


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